Le projet d’aménagement du cours Gambetta actuellement en cours de réalisation est l’occasion de revenir sur son histoire et son évolution, et plus particulièrement sur la place portant le même nom, aujourd’hui communément appelée « Rond point de l’étoile ».
Au Moyen Âge, la porte de la Couronne était le principal accès intra-muros, avec pont-levis, cloche d’alerte et corps de garde. On y accédait par une vaste esplanade où s’installèrent au fil du temps auberges et cafés.
Au XIXe siècle, ses proportions généreuses et sa situation au croisement des axes venant d’Avignon, de Marseille ou du Luberon, en firent le lieu idéal de rassemblement des Cavaillonnais (marché aux raisins, fêtes et manifestations publiques) avant que les nouvelles places du Clos et François-Tourel ne lui ravissent cette primauté.
Elle prit le nom de Léon Gambetta en 1891, pour commémorer la venue mouvementée du célèbre tribun en 1876 à Cavaillon, dans le cadre d’élections législatives. L’hôtel de la Pomme d’or (act. Société générale) où Gambetta devait prendre la parole, avait alors été pris d’assaut par une foule d’opposants conservateurs et leurs nervis particulièrement déterminés. Le brillant orateur fut contraint au silence, et pire, à la fuite, car on craignit vraiment pour sa vie. Cet épisode resta longtemps cuisant et honteux pour les républicains qui n’eurent de cesse qu’ils ne réparent cet outrage. En 1907 était inauguré un imposant monument à la gloire de l’homme politique, œuvre du sculpteur bollénois Félix Charpentier.
Le buste en marbre de Gambetta y était veillé avec sollicitude par une grande comtadine de bronze tenant un rameau d’olivier.
Victime des réquisitions de métaux durant la seconde guerre mondiale, la comtadine disparut en 1943, laissant le buste bien seul, juché au sommet d’un énorme piédestal. Après la guerre, on repensa l’aménagement de la place en fonction d’une circulation automobile désormais accrue : un rond point avec sens giratoire remplaça le terre-plein et le buste de Gambetta fut déplacé au sud, sur un parterre de pelouse et doté d’un socle mieux proportionné.
Pour la décoration du nouveau rond-point, le maire Fleury Mitifiot, imaginait une fontaine bouillonnante (c’était l’époque de la création du syndicat des eaux Durance-Ventoux). L’architecte marseillais Philippe Guidoni proposa en 1956 la figure du polyèdre étoilé de Kelvin, rappelant celui de Pythagore, et symbolisant « la pureté, l’harmonie, l’équilibre, l’absolu de la juste mesure ».
L’idée plut. Le projet initial en verre trempé, trop coûteux, fut finalement réalisé en bronze par la fonderie marseillaise Roure. Le polyèdre fut installé fin 1959 au milieu d’une fontaine, elle-même entourée d’un trottoir décoré d’une calade figurant des vagues.
Atypique, audacieux, ce motif géométrique ne manqua pas de nourrir les commentaires : « Ce polyèdre - que nos visiteurs allemands appellent Stern, d’où Stern Platz, la Place de l’Étoile et d’autres… le Hérisson - m’a causé beaucoup de brocards, [auxquels] je répondais : « Cela veut dire : qui s’y frotte s’y pique ! » » Fleury Mitifiot, 1999.
Néanmoins, ce monument original a traversé les décennies, inspiré des noms de commerces, et est régulièrement investi par les Cavaillonnais lors de manifestations populaires (Corso, Fête du melon, victoires sportives, etc.). Il constitue enfin pour l’usager un repère topographique immanquable, qu’on l’appelle l’étoile ou le polyèdre.
Cavaillon Infos, décembre 2011