29 octobre 2011 6 29 /10 /octobre /2011 05:00

Pour connaître la façon de vivre de nos aïeux, nous disposons d'une riche source d'informations, la presse locale, particulièrement riche en titres aux XIXe et XXe siècles. J'ai récemment feuilleté « La Farandole », hebdomadaire avignonais, paru entre octobre 1912 et juillet 1914, qui donne de précieux renseignements sur la vie mondaine, artistique et littéraire du département de Vaucluse. Je fus surpris de l'assez grand nombre d'articles consacrés à un sport présenté comme nouveau, les courses d'ânes. Durant cette brève période, des asinodromes (mot formé d'asinus : âne, et de dromos : piste) poussèrent, tels champignons en septembre, à Avignon, Carpentras, Orange, Saint-Rémy, L’Isle, Salon, Châteaurenard, Cavaillon.

 

Dans cette dernière ville, la piste où se produisaient les aimables quadrupèdes se trouvait au quartier de la Clède.

Les épreuves étaient variées :
- course plate, sur 750 mètres ;
- course d’ânes attelés, sur la même distance ;
- course de haies ;
- course d’endurance ; etc.
Des rencontres étaient également organisées pour des mulets, ânesses, petits chevaux et poneys.
Comme dans beaucoup de sports, les préoccupations et répercussions économiques n’étaient pas absentes (déjà !) :
- les courses étaient dotées de prix ;
- elles faisaient l’objet de paris ;
- partie des recettes étaient versées aux bureaux de bienfaisance ou aux fourneaux économiques (les ancêtres des restaurants du coeur) ;
- enfin, cabaretiers et autres commerçants devaient profiter de l’afflux d’amateurs.
Cet engouement semble ne pas avoir duré longtemps. Peut-être le caractère un peu fantasque de l’âne en fut-il la cause. Dans un compte-rendu d’une course à Avignon, reproduit ci-dessous, on peut voir que ces courses étaient sans doute riches en péripéties. Peut-être aussi les parieurs se lassèrent vite d’animaux aussi imprévisibles.
Il n’en reste pas moins que, pendant quelque temps, alors qu’allait éclater la première guerre mondiale, Apollon, Fayau, Kébir, et autres Gazelle firent la joie des petits et des grands.

 

Jean-Louis Charvet

 

ANNEXES

 
I. Extrait de La Farandole du mardi 22 octobre 1912

LES SPORTS
INAUGURATION DE L'ASINODROME (Avignon)

Quelle agréable après-midi : un soleil radieux, un décor charmant d'arbres dorés par l'automne ; dans l'enceinte une foule joyeuse, alerte, sans cesse en mouvement. Au pesage, les ânes, nombreux ma foi, étaient entourés, flattés. Quelques-uns exhibaient fièrement des harnais tout neufs. D'autres traînaient, à l'aide de cordes, des voitures rustiques, parfois même inachevées.

Les jockeys manquaient d'élégance dans leur costume fané. L'un d'eux s'était contenté d'une écharpe rouge sur une chemise bleue. Impayables d'ailleurs, ces jockeys, avec leurs longues jambes qu'ils ne savaient pas où caser. Deux s'attirèrent la faveur du public : l'un tout blond, tout petit, dix ans peutêtre, est arrivé second dans la première course, traîné par Flor-Fina ; l'autre, brun, à peine plus âgé, s'est adjugé la même place dans la troisième et la cinquième épreuve où il a dépassé au dernier tour deux rudes coureurs.

L'hilarité du public a été fréquemment excitée par les ânes. Tantôt ils se dérobaient devant une haie ; tantôt ils entraient en lutte avec la barrière, ou bien encore, faisant un brusque tête à queue, ils déposaient leurs cavaliers sur le gazon rare. La troisième course a fini d'une manière impayable : les premiers coureurs arrivés au poteau se mêlèrent aux derniers achevant paisiblement leur avant dernier tour.
La Philharmonique avignonaise a exécuté quelques-uns de ses plus jolis morceaux durant cette solennité sportive, à laquelle rien n'a manqué, pas même les surprises au pari mutuel : un des ânes, Pompon, n'a-t-il pas rapporté à la quatrième course, 125 fr. à ses heureux partisans ?

 

II. Extrait de La Farandole du mardi 12 novembre 1912

ASINODROME
Cavaillon

Voici les résultats des courses du 3 Novembre à l'Asinodrome de la Cléde.
Prix d'Ouverture. 70 fr. Distance : 1 200 mètres ; pour ânes et ânesses. Trot monté ou attelé, allure libre.
1. Marcel ; 2. Raoul.
Pari Mutuel : Gagnant : 54 fr. ; Placés : 6 fr. 50, 6 fr. 50.
Prix du Luberon. 100 fr. Distance : 2 500 mètres ; pour ânes et ânesses. Trot monté ou attelé.
1. Gazelle ; 2. Perlette.
Pari Mutuel : Gagnant : 6 fr. 50, Placés : 5 fr. 50, 6 fr.
Prix de Saint Jacques. 70 fr. Distance : 900 mètres.
1. Raoul ; 2. Fayau Vert.
Pari Mutuel : Gagnant : 10 fr. 50 ; Placés : 5 fr. 50, 9 fr. 50.
Prix de la Cléde. 80 fr. Pour mules et mulets. Distance 2 000 mètres.
1. Poulet ; 2. Vol-au-Vent ; 3. Appolon.
Pari Mutuel : Gagnant : 13 fr. ; Placés : 7 fr., 7 fr., 9 fr.
Prix des Dames. Pour chevaux et juments. Trot monté ou attelé. Distance 2 000 mètres.
1. Arthur ; 2. Muguet ; 3. Kebir.
Pari Mutuel : Gagnant : 10 fr. ; Placés : 5 fr., 5 fr., 5 fr.50.


Note : pour donner une idée de la valeur des prix, j’indique que l’abonnement annuel à l’hebdomadaire La Farandole coûtait 8 francs.

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