Colloque d'histoire et d'archéologie
Jeudi 18, vendredi 19, samedi 20 octobre 2012
Cavaillon souffre depuis trop longtemps d'une dévalorisation de son image dans le domaine du patrimoine architectural et plus généralement de son histoire. Face aux centres anciens voisins mieux préservés d'Avignon, de L'Isle-sur-la-Sorgue, d'Apt ou même de Saint-Rémy, la cité cavare n'exerce pas la même attractivité touristique et par conséquent suscite encore une forme de désintérêt injustifié.
L'histoire de cette ville est pourtant prestigieuse, en particulier dans l'Antiquité lorsque l'agglomération, colonie de Marseille, constituée de plusieurs pôles, se structure définitivement avec le passage de la voie Domitienne au pied de la colline Saint-Jacques. En 2006, une exposition et un catalogue initiés par la Conservation des Musées et le Service d'Archéologie du Département de Vaucluse ont mis en exergue la singularité et l'importance de Cavaillon dans l'Antiquité.
Pour les périodes plus récentes, plusieurs colloques ont été organisés par l'association Kabellion en partenariat avec l'Académie de Vaucluse, sur des personnages célèbres (Philippe Cabassole en 2005 et César de Bus en 2007) ou sur les deux derniers siècles de l'Ancien Régime. Cette dernière rencontre de 2010 éclaire d'un regard nouveau notre perception de Cavaillon aux XVIIe et XVIIIe s. La ville est alors fortement marquée par des prélats appliquant les principes de la contre-réforme tridentine, à l'exemple de l'évêque Jean-Baptiste de Sade, aidé dans sa mission par un foisonnement de nouveaux ordres religieux. Par ailleurs, à la fin du XVIIIe s., le quartier juif fait l'objet de nombreuses reconstructions dont celle de la prestigieuse synagogue qui est aujourd'hui l'une des plus anciennes conservées sur le territoire national.
D'autres pans de l'histoire récente de la ville ont fait l'objet d'éclairages ponctuels pour sensibiliser la population au patrimoine des XIXe et XXe s. Celui-ci résulte de profondes mutations urbaines qui ont transformé la ville lorsque l'ancienne petite cité épiscopale est devenue vers 1850, un grand centre de production agricole vivrière.
Largement malmené par les opérations immobilières des années 1970 (quartier du Fangas), le centre ancien de Cavaillon possède deux monuments majeurs et emblématiques : la cathédrale et les éléments du groupe épiscopal ainsi que la synagogue associée aux vestiges du complexe cultuel hébraïque. A ces deux édifices qui focalisent en premier lieu l'attention des visiteurs, on peut ajouter d'autres constructions moins prestigieuses mais néanmoins importantes dans le paysage urbain et dans l'histoire de la ville (chapelle Saint-Jacques, chapelle du Grand-Couvent, chapelle de l'Hôpital, ancien évêché, etc.). Il y a encore peu de temps, la réputation de Cavaillon était celle d'une ville sans patrimoine, dans laquelle on pouvait poursuivre les opérations massives de réhabilitation souvent peu soucieuses de la préservation du bâti ancien. La tendance a pu être heureusement inversée grâce à l'action coordonnée du milieu associatif (Kabellion), des services municipaux (Archives, Musées), départementaux (Musées, Archéologie) et d'Etat (DRAC/SDAP) de conservation du Patrimoine.
Entre 2005 et 2010, plusieurs interventions conduites par le Service d'Archéologie du Département de Vaucluse ont mis en évidence les atouts du patrimoine local mais ont également permis de s'interroger sur l'histoire de la ville au Moyen Âge. Des questions aussi diverses que l'organisation des campagnes et leur christianisation dans l'Antiquité tardive et au haut Moyen Âge sont devenues prégnantes lors des recherches conduites sur les chapelles des Vignères et de Saint-Ferréol. Les études ponctuelles sur des parties de la cathédrale ont permis de comprendre ou de suggérer des hypothèses sur l'évolution de l'édifice depuis l'époque préromane jusqu'au percement de chapelles latérales à la fin du Moyen Âge. Néanmoins, une synthèse générale reste à écrire sur cet édifice et son proche environnement. Les découvertes et les restitutions proposées des maisons situées au voisinage du groupe épiscopal ont livré des informations essentielles sur l'habitat aristocratique de la fin du Moyen Âge et sur la décoration intérieure de maisons dont certaines ont appartenu à des chanoines. Toutefois, des précisions sont nécessaires pour comprendre la véritable particularité de ce quartier canonial implanté au sud de la ville et plus généralement pour suivre les grandes lignes du développement urbain de Cavaillon dont les premières esquisses analytiques ne sont fondées que sur l'examen morphologique. L'étude du mikvé a également révélé l'ancienneté de ce bain rituel probablement édifié entre les XIIe et XIVe s. dans un quartier juif dont la topographie pour l'époque médiévale demeure encore assez floue.
Ces informations, issues pour la plupart de chantiers archéologiques, renouvellent notre perception de Cavaillon au Moyen Âge et paradoxalement nous interrogent sur différents aspects. Par exemple, on peut s'étonner sur l'absence des ordres mendiants (franciscains, dominicains, etc.) aux portes de Cavaillon alors qu'ils sont implantés dans de nombreuses localités voisines. Pour se limiter à l'analyse architecturale de la cathédrale, on peut se demander pourquoi l'édifice a fait l’objet d'une reconstruction au XIe s., puis au siècle suivant alors qu'aucun chantier d'envergure n'est entrepris à l'époque gothique notamment au XIVe s. lorsque l'un des évêques de Cavaillon est l'un des membres influents de la cour pontificale ?
L'origine de ce projet de colloque est liée à ces nouvelles découvertes mais également à un constat de dispersion des informations. Par exemple de nombreux historiens ou chercheurs ont ponctuellement et à des degrés divers, travaillé sur Cavaillon dans le cadre de leurs recherches. Par conséquent, l'objectif de ce colloque est de réunir pendant deux à trois jours, en octobre 2012, une vingtaine d'historiens, archéologues et archivistes pour présenter des aspects spécifiques de Cavaillon au Moyen Âge (société, économie, architecture, topographie, etc.). A terme, une publication de qualité synthétisera l'ensemble des communications et sera publiée par une maison d'édition ou des presses universitaires assurant une diffusion correcte de l'ouvrage.
Sont annoncés : Jacques Chiffoleau (Directeur d'études, E.H.E.S.S., Directeur du CIHAM), Yann Codou (MdC en archéologie médiévale à l'université de Nice) et Guy Barruol (Directeur de recherche émérite au CNRS), Véronique Olivier (Doctorante, université de Nice), Dominique Carru (Archéologue Départemental de Vaucluse), Florian Mazel (Professeur d'histoire médiévale, université de Rennes), Simone Balossino (MdC en histoire médiévale, université d'Avignon), Germain Butaud (MdC en histoire médiévale, université de Nice), Damien Carraz (MdC en histoire médiévale, université de Clermont-Ferrand), Gaëlle Le Dantec (Archiviste), Monique Zerner (Professeur émérite d'histoire médiévale, université de Nice), Armand Jamme (Chargé de recherches, CNRS), René Moulinas (Professeur émérite d'histoire moderne, université d'Avignon), Maëlle Ramage (Doctorante, université de Paris 1), Elisabeth Sauze (Conservateur en chef du Patrimoine honoraire), François Guyonnet (Archéologue du Département de Vaucluse), Hélène Maignan (Archiviste municipale de Cavaillon), Nadia Naudeix et Bruno Portet (Conservation des Musées de Cavaillon), Raymond Escoffier (Président de l'association Kabellion).
Ce colloque est organisé par l'association Kabellion, en partenariat avec la Ville de Cavaillon et le Centre Interuniversitaire d'Histoire et d'Archéologie Médiévales (CIHAM, UMR 5648).
François Guyonnet
Archéologue du Département de Vaucluse
Février 2012